SNPEFP-SNCA : Lettre ouverte au Président de la République

Lettre ouverte du syndicat national des personnels de l’enseignement et de la formation privé et du syndicat national des agents consulaires et de l’apprentissage.

 

M. Le Président

Mercredi 22 mars 2023, vous annoncez votre souhait de poursuivre rapidement votre programme réformiste suite à l’utilisation du 49.3 en faveur de votre réforme des retraites. Vous évoquez l’alternance comme levier pour le plein emploi. C’est la première fois qu’un président de la République porte la voie de l’apprentissage et de la formation professionnelle comme une voie d’excellence alors que ce format d’éducation a été méprisé pendant plusieurs décennies.

Depuis 2018, l’apprentissage est devenu un des outils « d’excellence » de votre politique de plein emploi avec la loi relative à la « Liberté de choisir son avenir professionnel » et la création en 2019 de France Compétences qui assure le financement, la régulation et l’amélioration du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage. En effet, les CFA sont financés par les onze Organismes de Compétences – OPCO et une aide de 5 000 € à 8 000 € est accordée aux entreprises pour les contrats en alternance. Entre 2019 et 2022, le nombre de contrats d’apprentissage a plus que doublé en France pour atteindre 837 000 cette année.

En cinq ans, malgré ce résultat quantitatif, cette réforme est devenue coûteuse pour les finances publiques avec un déficit structurel dû à l’absence de régulation des aides aux entreprises et du Niveau de Prise En Charge (NPEC) des coûts contrats apprentissage avant septembre 2022. Les obligations légales ont été appliquées sans discernement. Suite à la baisse du NPEC, certains CFA ont déjà annoncé ou acté la fermeture de formations dans des secteurs en tension. Pourtant, si un apprenti coûte bien de l’argent à l’État, il y a un retour sur investissement :  pour 1 euro investi dans l’apprentissage, l’État perçoit 1,21 €[1].

Cet effet d’aubaine a également créé des dérives avec des « emplois » occupés par une succession d’apprentis et de stagiaires au détriment du marché des jeunes diplômés. Vous vous félicitez d’avoir atteint un nombre record de contrats mais le chômage des jeunes de moins de 25 ans est resté au même niveau entre décembre 2019 et décembre 2022. La distribution de primes sans régulation a permis aux entreprises de tester et de relancer le dispositif d’aide autant de fois qu’elles le souhaitaient et de créer ainsi un turn-over de l’alternance grâce à la période d’essai et une main d’œuvre gratuite ou quasi gratuite pour le patronat, sans contrôle ni contrepartie. On peut légitiment se demander quel temps de formation et quels personnels, les entreprises ont elles véritablement à mettre à disposition des jeunes pour les former ?

En février 2022, l’Association nationale des apprentis de France – ANAF – a fait 24 propositions mettant en lumière les difficultés financières et d’hébergement d’une partie des jeunes qui ont choisi la voie de l’alternance. À moitié étudiant, à moitié salarié, selon leur âge et leurs années d’études, les apprentis ont des revenus précaires compris entre 27% à 53% du SMIC (en première année par exemple). La fonction publique qui emploie également des alternants est dépourvue d’OPCO donc, pour eux, il n’y aucun financement. Contre toute attente, le ministère du Travail considère que dans la fonction publique « les apprentis ont un contrat de travail et un salaire. On ne peut pas parler de modèle précaire ».

Depuis la réforme, de nombreuses régions ont supprimé les fonds sociaux pour apprenti, qui permettaient notamment de soutenir les ruptures de parcours. Or un apprenti sur cinq ne va pas au terme de son contrat d’apprentissage. Un quart abandonne définitivement l’apprentissage en cours de formation tandis que 40 % des apprentis sortants repartent en formation à la fin du cursus. Selon France Compétences, il y a plus de 31% de ruptures de contrats chaque année. Un apprenti licencié ou démissionnaire peut signer un nouveau contrat la même année et donc correspondre à plusieurs contrats recensés pour une même période. Alors, pourquoi parler en nombre de contrats et non pas en nombre d’apprentis puisque le nombre réel d’apprentis est inférieur à un tiers au nombre de contrats ?

Le coût de formation est moindre pour un CFA que pour un Lycée Professionnel. Cette différence de coûts est avant tout artificiellement maintenue par des salaires indignes et des dotations aux établissements de formation bien moindres que dans les Lycées Professionnels. Jusqu’en 2019 la qualité était malgré tout maintenue par des effectifs de classe plus réduits et une sélection des apprentis par leurs employeurs. Mais depuis ces deux facteurs sont à présent annihilés par la massification de l’alternance, tandis que l’inflation combinée au gel des salaires entraîne une chute des vocations qui menace le fondement même de la qualité des formations. C’est par exemple le cas chez l’un des acteurs majeurs de l’apprentissage que sont les CFA des Chambres de Métiers et de l’Artisanat, qui subissent la double peine de voir leurs ressources et leurs missions régaliennes régulièrement rabotées par votre gouvernement. Et en même temps depuis 2022, ce même gouvernement suggère de poursuivre les mesures amorcées en 2018 avec le lycée professionnel qui concerne un tiers des lycéens. Ces mesures évoquent la densification de la dimension professionnelle de la formation, ce qui induit que le lycée professionnel pourrait passer ainsi sous la double tutelle du ministère du Travail et de l’Éducation nationale comme c’est déjà le cas pour les CFA et les organismes de formation. Vouloir massifier c’est nier les singularités et attaquer à nouveau l’éducation dans son ensemble avec ses différents statuts privé et public, c’est poursuivre la dégradation de la formation complète culturelle, technique et professionnelle. La formation en alternance n’est pas seulement celle de l’apprentissage du seul geste professionnel ou de la seule compétence, apprise sur le tas, en contexte de travail. Elle est aussi pédagogie/andragogie qui encourage un environnement d’apprentissage coopératif, développe la pensée critique et l’aptitude à communiquer efficacement, à innover et à résoudre les problèmes par la négociation et la collaboration. Elle est la compréhension théorique et l’application pratique de l’apprentissage.

En focalisant sur l’emploi potentiel des futurs diplômés, le gouvernement continue d’occulter ces autres aspects fondamentaux de la mission éducative et précarise l’ensemble des statuts et niveaux de recrutement des professionnels de l’éducation et de la formation. Les statuts sont systématiquement mis en concurrence. Ceci débouche sur des inégalités de traitement et de salaire que ce soit pour les enseignants-formateurs ou pour les alternants. La vision entrepreneuriale de l’éducation et de la formation professionnelle ruine la valeur des diplômes au profit de la Certification – Qualification Professionnelle et du système de bloc de compétences qui ne permettent pas de reconnaître l’expérience en cas de changement d’emploi ou d’employeur.

Si votre ambition quantitative est acquise, c’est maintenant celle de la qualité qui se joue et cette question s’impose dans le débat public lorsqu’on se réfugie derrière la sacro-sainte norme Qualiopi, ne reposant que sur des process et des normes infantilisantes pour les professionnels de l’alternance. Dans le même temps, Qualiopi, qui ne cache pas son inspiration néo-libérale, envisage l’éducation et l’insertion professionnelle des jeunes en termes de « besoins des clients, de professionnalisation de la réponse et de service après-vente » ! On est loin de l’émancipation par la connaissance et de l’intégration au corps social !

Depuis janvier 2021, Qualiopi est la seule certification qui permet aux organismes qui dispensent des actions de formation, de bilan de compétences, de V.A.E et ou d’apprentissage, d’obtenir des fonds de financements publics et/ou mutualisés. Elle est payante et se compose de 7 critères, 32 indicateurs, et de modalités d’audit et d’accréditation. Cependant, elle n’a pas empêché les arnaques et les ventes forcées. Sur 100 000 prestataires de formation, seulement 45 000 sont certifiés ou réputés satisfaire la certification. Rappelons que Qualiopi vise à améliorer la qualité des processus entourant les actions de formation, c’est-à-dire l’administratif qui encadre en amont et en aval de la formation. Il n’y a aucun effet sur la qualité intrinsèque des formations c’est-à-dire les contenus pédagogiques. Les objectifs sont avant tout économiques et politiques : réduire le nombre d’organismes de formation et les financements qui les accompagnent.

Mercredi 22 mars 2023, vous avez affirmé « qu’il y a une tendance à vouloir s’abstraire du principe de réalité ». Dans le cadre de la réforme des retraites, cette « tendance » représente tout de même plus de 90% des citoyens qui considèrent votre loi comme inique. Le principe de réalité est étroitement lié au principe de plaisir et induit la recherche de la satisfaction immédiate de ses pulsions, ou autrement dit, la réalisation hallucinatoire du désir. Alors, oui, il y a une tendance à vouloir s’abstraire de votre principe de réalité qui souhaite poursuivre son programme impopulaire de réformes de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle au profit du « plein emploi précaire ». 

Est-ce que l’État se désengage de ses prérogatives garant de l’éducation de chaque citoyen en faveur de la formation patronale par apprentissage au détriment d’une réelle éducation et insertion professionnelle des jeunes ?

Allez-vous continuez de dégrader le système éducatif français et la formation professionnelle déjà en déliquescence au profit de votre principe de réalité ?

 

[1] En effet, les contrats d’apprentis génèrent des cotisations sociales et patronales, l’alternance permet d’éviter des dépenses sociales liées au chômage et à l’inactivité, les dépenses pédagogiques pour les apprentis sont moindres que celles des apprenants à temps plein. Percevant un salaire, les apprentis alimentent les finances publiques via le règlement de la TVA. Source Association Walt 2021




LA REUSSITE DE L’APPRENTISSAGE, ET SI ON FAISAIT VRAIMENT LE BILAN ?

Photo by Vance Osterhout on Unsplash

Le gouvernement sortant n’a eu de cesse de marteler ses chiffres sur l’apprentissage : 730 000 entrées enregistrées en 2021 par la Dares1, un record absolu. Elles étaient de 300 000 en 2017 et n’ont fait que progresser depuis (+140 % entre 2017 et 2021). Le stock de contrats d’apprentissage est quant à lui estimé à 900 000 à fin 2021 par l’OFCE, contre 419 000 en 2017 (+115 % en quatre ans).

Chaque bilan du quinquennat est l’occasion de confronter les satisfecit du gouvernement sortant à notre analyse CGT.

Ce quinquennat a démarré par une lettre de cadrage du ministère du Travail, visant à encadrer de façon contrainte et inacceptable la négociation nationale interprofessionnelle sur la formation professionnelle et sur l’apprentissage. L’ANI, non signé par la CGT, n’a pas été repris par Muriel Penicaud, qui a mis en place une réforme vantée comme un « big-bang » de la formation professionnelle et de l’apprentissage en 2018.

Lors des négociations interprofessionnelles la CGT n’a pas été entendue au sujet de sesrevendications visant à améliorer la rémunération et le statut des apprentis ainsi que lesconditions de travail des personnels des CFA. De leur côté, gouvernement et patronat sont parvenus à faire passer leur projet très régressif en matière d’apprentissage dans la fameuse loi dite « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » le 5 septembre 2018 :

  • Les branches professionnelles et les organismes de formation peuvent décider d’ouvrir et de fermer des Cela permet au patronat de faire correspondre l’offre en matière d’apprentissage à leurs seuls besoins. L’apprentissage, qui est bien toujours une voie de formation initiale risque de passer aux seules mains des entreprises.Celles-ci peuvent désormais créer leurs propres CFA et leur propre certification, sans aucune assurance que les apprentis sortants pourront valoriser la qualification acquisedans une autre entreprise. Un autre risque est de perdre le maillage territorial qui étaitassuré jusque 2018 par les régions ;
  • Les CFA sont désormais financés au nombre de contrats conclus dans leurs établissement (peu importe si les apprentis ont trouvé ou non un contrat de travail). Ils sont totalement soumis à la marchandisation. Les coûts des contrats sont fixés par France compétences sur recommandation des branches : risque de disparition des petits CFA, moins rentables mais nécessaires ;
  • Le contrat de professionnalisation et la formation professionnelle initiale sous statut scolaire sont désormais mis en concurrence avec l’apprentissage ;

1 https://1drv.ms/b/s!Av4FrhkpfuSjgrpxo4P6tOIbcNKdpA?e=AiSkvS

  • Les CFA sont désormais soumis aux mêmes règles juridiques que les autres prestataires de formation avec label qualité ;
  • Le système de contrôle et d’inspection de l’apprentissage ont été démolis.

 

Mais quel est le bilan réel ?

 

  • Un système dopé par des aides aux employeurs sans contrepartie

Pour rappel, depuis juin 2020 et la crise sanitaire, le gouvernement octroie une aide, qui devait être exceptionnelle, à tous les employeurs d’apprentis préparant un diplôme allant du CAP à la licence professionnelle – d’un montant de 5 000 euros pour les mineurs et de 8 000 euros pour les majeurs la première année d’apprentissage. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, cette aide est conditionnée à la présence de 5% minimum d’alternants dans les effectifs de l’entreprise

Les auteurs de l’étude de l’OFCE2, publiée le 17 mars 2022, observent que 422 000 emplois d’apprentis auraient été créés en deux ans expliquant l’immense majorité des emplois créésdepuis 2019. La très forte baisse du taux de chômage, notamment le chômage des jeunes, reposerait donc sur une contribution très importante de l’apprentissage, lui-même dopé par un niveau de subvention atypique.

On peut vraiment se poser la question de la suite… Comment va évoluer la situation si lesaides exceptionnelles s’arrêtent – au 30 juin 2022 comme prévu à ce stade, ou à une dateultérieure comme l’a annoncé Emmanuel Macron ? « Les effets sur l’emploi dépendront alors dela nature des incitations engendrées par l’aide exceptionnelle », selon l’OFCE.

Les dernières données disponibles démontrent que les entreprises ne gardent pas le fruit de l’apprentissage qu’elles trouvent pourtant « formidable » puisqu’environ 50% d’apprentis ne conservent pas leur poste à l’issue de leur cursus pour être remplacés par d’autres apprentis et qu’environ 25% des contrats sont rompus avant leur terme, principalement au cours de la première année.

Les apprentis sont devenus de la main d’œuvre quasi gratuite pour les entreprises, qui préfèrent désormais embaucher des apprentis plutôt que des salariés en CDI ou en CDD, voire des stagiaires (ex : étudiants).

Pour la CGT, les aides massives à l’apprentissage ne doivent pas être versées au détriment de la formation et de l’embauche des salariés des entreprises, au détriment des jeunes en lycée professionnel et des autres dispositifs de formation. L’État et les organisations patronales ne cessent de se targuer de la réussite de l’apprentissage. Mais, si réussite il y a, elle n’est que quantitative, et elle n’est due qu’aux aides à l’embauche d’apprentis. Avant de décider de prolonger les aides massives à l’apprentissage, il aurait fallu évaluer leur impact sur la formation des jeunes, sur leur insertion et sur le budget.

L’apprentissage doit être choisi, ciblé et avec des engagements réels des entreprises qui y ont recours. Aujourd’hui, force est de constater que les apprentis ne représentent souvent qu’un chèque de 5000 ou 8000 euros…

2 https://1drv.ms/b/s!Av4FrhkpfuSjhpZRS-plzNc7IlhynQ?e=WbKXNr

 

– Un déficit abyssal de France Compétences et il ne reste plus rien pour former les autres salariés !

L’actuel système de financement des contrats en alternance, et particulièrement celui del’apprentissage, pèse très lourd dans le déficit de France compétences. Cela étant, ce n’est pas le système des coûts contrats en lui-même qui en est la cause, mais bien le fait que lenombre de contrats d’apprentissage a explosé. Il est d’ailleurs complètement irresponsable de se fixer comme objectif de développer fortement l’apprentissage tout en se refusant d’augmenter le taux de la taxe d’apprentissage. Ce serait la première des choses à faire, sans oublier que l’Etat lui-même pourrait jouer un rôle à cet égard puisque l’apprentissage,même libéralisé à outrance, reste une voie de formation professionnelle initiale. Hors de telles orientations, point de salut car une baisse drastique des coûts contrats ne seraitévidemment pas la bonne solution. En 2021, les dépenses pour l’apprentissage ont atteint près de 9 milliards

 d’euros, soit 3 fois plus qu’une année de collecte de la taxe d’apprentissage (environ 3milliards). Sans augmentation des recettes, ces dépenses considérables ne peuvent se faire qu’au détriment d’autres dispositifs.

 

–  Une concurrence déloyale entre CFA et lycées professionnels

Le financement au coût contrat et la suppression de l’autorisation administrative préalablede la région pour ouvrir des sections d’apprentissage favorisent les CFA des grands secteurs, privés, et au contraire pénalise les plus petits CFA dans les zones rurales ou les quartiersdéfavorisés pourtant indispensables à la réponse aux besoins de formation dans ces zones. Il conduit les CFA à se spécialiser sur les métiers qui attirent les jeunes, au détriment de la diversité de l’offre.

La meilleure façon de maîtriser les dépenses de l’apprentissage serait de maîtriser ledéveloppement global de l’apprentissage et de redonner aux lycées professionnels (service public de l’éducation professionnelle initiale) une place centrale dans le développement des formations professionnelles.

La progression de l’apprentissage s’effectue en grande partie au détriment de la voie scolaire. Il faut revenir à un équilibre entre les deux voies de formation professionnelle initiale = apprentissage et lycée professionnel.

Le discours récurrent sur l’apprentissage consistant à le présenter comme la voie « royale »avec 70% des jeunes ayant emprunté cette voie qui accéderaient à l’emploi doit être pondéré par le poids de la sélection à l’entrée, les taux de ceux qui poursuivent leurs études et les taux de rupture qui ne sont jamais pris en compte dans les chiffres !

A la différence des lycées professionnels qui ne choisissent pas leurs élèves, les employeurs choisissent leurs apprentis. Même dans les cas où le jeune est présenté par le CFA, c’estl’entreprise qui décide de signer, ou pas, un contrat avec le jeune. Les risques de traitement différencié voire discriminatoire sont latents.

Une enquête du Cereq3 conforte ce que pense la CGT et relève la part d’inconnu qui pèse sur »le nombre de candidats et de candidates potentiellement intéressé(e)s par l’apprentissage qui ne parviennent pas à signer de contrat » et qui se replient pour beaucoup vers les lycéesprofessionnels.

3 https://www.cereq.fr/garcons-et-filles-en-apprentissage

 

La dynamique de l’apprentissage a fait de l’ombre à l’enseignement professionnel. Le risque de cette réforme est que le lycée professionnel devienne « un réservoir de places deformation, chargé de s’adapter à la réalité d’un marché de l’apprentissage, peu contrôlé et peu maîtrisé par les pouvoirs publics », selon l’ouvrage du Cereq.

 

–  Un système loin de se concentrer sur le premier niveau de qualification, sur les jeunes les plus fragilisés face à l’emploi

Dans le rapport de l’OFCE est pointé le fait que la réforme n’a pas eu d’effet sur l’insertion des jeunes sortis prématurément du système scolaire sans diplôme ni qualification. Aucontraire, loin de faire mieux que l’école, il accentue les inégalités d’accès à la formation aux qualifications ouvrière et d’employé(e).

« C’est pour ces jeunes que l’apprentissage est la solution d’insertion professionnelle la plus décisive, mais la réforme de 2018 n’a eu aucun effet sur eux », estiment les auteurs. L’étude appuie ces propos sur l’évolution du nombre d’entrants sans diplôme qui est « en 2020 seulement +5,9 % plus élevé qu’il ne l’était en 2018, alors que le total des entrées en apprentissage a fait un bond de +63,7 % ».

« Loin de se concentrer sur le premier niveau de qualification, sur les jeunes les plus fragilisés face à l’emploi, l’apprentissage favorise ceux et celles les plus armé(e)s pour obtenir un diplôme et s’insérer sur le marché du travail. »

La question se pose également de l’utilisation de l’apprentissage comme un moyen de limiter les situations de pauvreté auxquelles est confrontée la population étudiante et ce d’autant plus avec la crise sanitaire.

De plus, le Cereq vient contrebalancer le discours ambiant sur la revalorisation de cette voiede formation et fait état d’une réflexion sur l’évolution de l’apprentissage et des apprentis au fil du temps : « Fer de lance des politiques en faveur de la jeunesse, l’apprentissage laisse pourtant peu de place aux apprentis. L’importance des enjeux politiques a eu tendance à davantage valoriser et mettre en lumière l’ensemble du dispositif institutionnel et ses évolutions réglementaires plutôt qu’à s’attacher aux réalités sociales des publics concernés. »

Partie du constat qu' »aucune enquête statistique ne permet, en France, de connaître le nombre de jeunes recalés de l’apprentissage », une chercheuse a dirigé une enquête menée entre 2015 et 2017 pour comparer les apprentis et les lycéens professionnels en première année de CAP ou de baccalauréat professionnel de 39 établissements.

Résultat : « 30 % des élèves de lycée professionnel sont des jeunes évincés de l’apprentissage ». « Loin d’accueillir les élèves dont l’école ne veut plus, l’apprentissage introduit en fait unnouveau sas de sélection déplacé en amont même de la formation », analyse la chercheuse. L’auteure dénonce « la sélection opérée à l’entrée du dispositif, évinçant ainsi les filles, lajeunesse paupérisée ainsi que ceux et celles dont l’histoire est marquée par un passémigratoire ».

 

– Une dimension d’émancipation oubliée

Autre critique formulée par les chercheuses du Cereq : l’absence d’ambition éducative de la réforme. « Centrés sur la dimension de l’emploi, plutôt que sur les

4 https://analyses-propositions.cgt.fr/la-jeunesse-face-aux-consequences-du-covid

perspectives qu’ouvre l’apprentissage d’un métier, les contenus de formation — tels qu’ils sont envisagés aujourd’hui dans la réforme de la voie professionnelle — tendent à réduire la culture professionnelle à l’inculcation de dispositions sociales et à une socialisation à l’esprit d’entreprise ». Les auteures appellent à un retour à la « dimension culturelle » del’apprentissage pour permettre aux apprentis de devenir, aussi, des citoyens.

« L’abandon des ambitions éducatives et la disqualification de l’enseignement au métier, participent d’une ‘désouvriérisation’ de l’apprentissage, concluent les deux auteures. Ce processus entraîne une amnésie, celle des acquis de l’éducation populaire, des projets d’éducation tout au long de la vie et des réflexions critiques du mouvement ouvrier français ou des intellectuels d’après-guerre considérant que l’apprentissage ‘méthodique et complet’ avait aussi une dimension culturelle, celle de faire de l’apprenti ‘un ouvrier parfait’ comme de former ‘l’homme (et la femme), le travailleur, le citoyen. »

Si le gouvernement sortant peut se vanter d’un bilan quantitatif en matière d’apprentissage, la réalité est toute autre lorsque l’on mesure les effets dévastateurs de la libéralisation de l’apprentissage. Nos revendications pour le service public de l’éducation et pour un servicepublic de l’emploi et de la formation professionnelle sont plus que jamais d’actualité.




Formation professionnelle et apprentissage : l’état ampute les ressources des régions !

Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 vient amputer de 30 Millions d’euros (article 1 – V) les crédits des Régions en faveur de la formation professionnelle.

 


 

Les alertes répétées auprès du Gouvernement n’ont pour l’heure trouvé aucun écho mais le signal est sans appel : les Régions disposeront demain de moins de crédits pour maintenir leurs politiques de formation professionnelle.

C’est à tout le moins une hérésie alors les discussions ont été engagées sur la prolongation en 2017 du plan 500.000 actions de formation pour les demandeurs d’emplois piloté par les Régions.

Le niveau du chômage en France notamment des jeunes appelle à un renforcement des efforts de tous les acteurs publics et non à leur diminution. Il est donc indispensable que le Gouvernement vienne rétablir les crédits régionaux lors de l’examen par l’Assemblée mardi 20 décembre.

Le compte est tout autant non respecté au niveau de l’apprentissage. Les Régions attendent toujours la notification de la part variable de la taxe d’apprentissage qu’elles perçoivent depuis la réforme de 2015. Alors que le versement est attendu depuis mi-octobre, les arrêtés n’ont toujours pas été signés par les Ministères, sans raison valable autre que l’entrave délibérée, ce qui laisse présager une impossibilité de versement en 2016. La perte de ressources est de plus de 106M€ pour les Régions.

Au nom des Président(e)s de régions, Philippe Richert appelle le Gouvernement à ses responsabilités. Les équilibres comptables de l’Etat ne doivent pas prendre le dessus sur le respect des engagements pris et le financement de l’action publique en faveur de nos concitoyens les plus fragiles.

Source : CIDEFE



Concertation sur l’Insertion professionnelle des jeunes

Sans projet, sans ambition, sans financement : juste un baroud d’honneur !


La ministre du Travail, non contente d’avoir porté une loi perfide passée en force à coups de 49.3, contre l’intérêt général de la population, convoque mardi 4 octobre 2016 les partenaires sociaux et les organisations de jeunesse, en vue d’une concertation sur l’insertion professionnelle des jeunes.

La CGT n’est pas dupe
. Cela sent le baroud d’honneur au moment où les cabinets ministériels se vident et où se profilent les échéances électorales : « Menons donc une concertation sur l’insertion professionnelle des jeunes ! »

S’agit-il d’un projet de grande envergure assorti de financements conséquents permettant de répondre réellement aux attentes et besoins des jeunes en matière d’insertion professionnelle ? Non, simplement des palabres organisées en vue d’élaborer, pour le Ministère, un document d’orientation pour d’éventuelles négociations.

Alors que la situation des jeunes fait régulièrement l’objet de plusieurs rapports, la Ministre propose une hypothétique négociation dont tout le monde sait que le patronat ne veut pas, poursuivant son objectif de baisse « du coût du travail » !

Les derniers ANI que la CGT n’a pas signés sur la question datent de 2011. Leur évaluation sera sur la table demain, pourquoi si tard ? Pourquoi attendre fin 2016 pour lancer des négociations sur ce sujet ?

La CGT dénonce :
- la précarité des jeunes ;
- le recours abusif et massif aux CDD au détriment des CDI : 8 contrats sur 10 sont signés en CDD de très courte durée ;
- le recours massif et abusif aux stages, aux missions de service civique et contrats aidés.

 

La CGT revendique une réelle politique d’insertion professionnelle, sociale et sociétale des jeunes.

Pour cela, il nous faut commencer par avoir un bilan exhaustif de l’ensemble des aides et exonérations dont ont bénéficié les entreprises ; ainsi que de réels moyens donnés au service public de l’emploi afin que l’ensemble des acteurs publics puissent mener à bien leurs missions.
L’argent existe, il suffit pour le gouvernement de choisir les politiques jeunesses plutôt que les exonérations patronales.