Réforme de l’apprentissage : un grand saut dans l’inconnu…

Réforme de l’apprentissage : un grand saut dans l’inconnu…


 

Le 09 février dernier, le Premier Ministre Edouard PHILIPPE a présenté les grands contours de la réforme de l’apprentissage. Celle-ci s’articule autour de 20 mesures phares qui doivent permettre, selon  ses auteurs, d’attirer plus de jeunes vers l’apprentissage. Pour autant, le Premier Ministre s’est bien gardé de s’engager sur des objectifs chiffrés, à l’instar du gouvernement « HOLLANDE » avec ses 500 000 apprentis.

Pour attirer davantage de jeunes, le gouvernement table donc sur une hausse de salaire de 30€ par mois, une aide au passage du permis de conduire, le droit de prolonger pendant 6 mois leur formation au sein du CFA, une limite d’âge pour être apprenti qui passe de 26 à 30 ans et l’assurance que les apprentis de 26 ans et plus seront payés au minimum au SMIC.

Quelques « mesurettes » vont dans le bon sens, comme la certification des maîtres d’apprentissage et l’obligation de  journées annuelles d’information sur les métiers et les filières en classes de 4ème, 3ème, 2nde et 1ère.

Ces quelques petits « plus » pour les apprentis positionnent-ils, pour autant, cette  réforme  à la hauteur des enjeux?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le projet de réforme annoncé le 09 février 2018 fait surtout la part belle au patronat. C’est bien le MEDEF qui ressort grand gagnant dans le bras de fer qui l’a opposé, ces dernières semaines, aux régions et aux partenaires sociaux !  Sitôt l’annonce des mesures faite, le MEDEF avec à sa tête Pierre GATTAZ, s’est empressé de  publier un communiqué pour dire tout le bien qu’il pense du projet de réforme.

Et on comprend pourquoi quand on prend connaissance des mesures annoncées, favorables aux patrons :

  • Autant dire que le gouvernement a déroulé le tapis rouge au MEDEF..!

     

    Pour le SNCA-CGT, la finalité de la formation par apprentissage n’est pas la production, mais la formation.

    Notre organisation est défavorable à l’idée qui consiste à adapter les formations aux besoins du bassin d’emploi et aux demandes des entreprises locales.

    Demain, l’ouverture ou la fermeture des CFA (centres de formation d’apprentis), ne sera plus dépendante d’autorisations publiques et les établissements seront rémunérés au contrat.

    Les branches professionnelles pourront fermer ou ouvrir des sections d’apprentis en fonction des besoins. Elles détermineront le coût du contrat de chaque diplôme ou titre professionnel en fonction des priorités de recrutement des entreprises et de la GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences) de la branche.

    Ceci est l’instauration de la marchandisation de la formation par apprentissage;  la privatisation des formations initiales et la disparition, à termes, de nos missions de service public !

    Nous pensons que ce schéma conduit vers une spécialisation des territoires et risque d’accentuer les inégalités territoriales, avec en prime, la mise en concurrence accrue des établissements et des personnels.

    Sur le pilotage de l’apprentissage, le SNCA-CGT qui ne remettait pas en cause la responsabilité des régions en matière de conduite territoriale de l’apprentissage, est préoccupé par ce changement de modèle au profit d’une logique de régulation en fonction de l’offre et de la demande. Les régions perdent la main sur les 51% de la taxe d’apprentissage qui leur était affectés pour financer le secteur. La CGT était plutôt favorable à une amélioration du système actuel.

    Ce chamboulement du financement est d’autant plus inquiétant pour les établissements qui se trouvent en fragile équilibre financier. Cela pourrait conduire certains gestionnaires d’établissements à la fermeture de certaines formations, de filières, voire d’être contraints de mettre la clé sous la porte.

    Le gouvernement, en confiant une partie du pilotage aux branches professionnelles, risque aussi de mettre un frein à l’engagement des régions en matière d’investissement pour les CFA. Déjà certaines régions (à l’instar de la région Auvergne-Rhône-Alpes) ont fait part à l’issue des annonces gouvernementales du gel des investissements régionaux dans les CFA pour 2018.  Quid aussi des formations à faible potentiel d’apprentis?

    Cela ne sera pas sans conséquences pour les centres de formation et leurs personnels.

    Quant à  l’écriture des référentiels d’activité et de compétences des diplômes  laissés aux  seules branches professionnelles et la co-construction, avec l’état, des règlements d’examens et des référentiels de formation, on ne peut que s’inquiéter de l’avenir que pourraient réserver les branches professionnelles aux enseignements généraux de tout niveau. Ceux-ci pourraient bien être sacrifiés au seul profit de la formation professionnelle car, ici le risque de basculement des savoirs vers les compétences, est bien réel. Une façon pernicieuse d’adapter, sur fond d’employabilité, la formation par apprentissage aux exigences d’un système néolibéral.

    Sous l’effet d’annonces très médiatisées, ce projet de réforme laisse donc planer encore beaucoup d’incertitudes, notamment en matière de financement. Difficile donc de prédire ce que sera exactement la réforme de l’apprentissage après son passage devant le Parlement.  Le Premier Ministre lui-même admet qu’il y a encore beaucoup de paramètres à affiner…

    Du saut dans l’inconnu,  au plongeon abyssal, il n’y a qu’un pas…

     

    Ici le projet de réforme en détail