Chambres de Métiers : Un Héritage en Danger
En 2025, les Chambres de Métiers et de l’Artisanat (CMA) célèbreront leur centenaire, marquant un siècle de soutien aux artisans français. Créées en 1925 pour accompagner et structurer le secteur, les CMA ont su s’imposer comme des acteurs clés du développement économique local. Cependant, ce centenaire est assombri par une crise profonde qui secoue le réseau. Entre coupes budgétaires, réformes institutionnelles et incertitudes sur leur avenir, le réseau des CMA est fortement fragilisé.
Quel avenir pour le réseau des CMA ?
Avec la loi PACTE, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et la régionalisation du réseau , en cinq ans les CMA ont perdu la plupart de leurs missions régaliennes telles que le stage obligatoire de préparation à l’installation, l’enregistrement des contrats d’apprentissage et la tenue du répertoire des métiers par le biais des centres de formalités des entreprises, qui a été remplacé au 1er janvier 2023, par le guichet unique des entreprises.
Depuis 2023, les CMA subissent une diminution de leurs ressources qui résulte notamment de la baisse des recettes constituées par la taxe pour frais de fonctionnement des chambres de métiers (la TFCM) ; seule ressource stable et pérenne des Chambres de métiers. Cette dotation est initialement destinée à couvrir principalement le fonctionnement et les missions régaliennes (CFE/Répertoire des Métiers, contrats d’apprentissage, …) des CMA.
Le raisonnement de l’État est simple : les réformes récentes, notamment la régionalisation du réseau des CMA, a conduit à la disparition des niveaux départemental et interdépartemental et à la limitation de la personnalité morale aux seules chambres de niveau régional. Cette régionalisation a permis, toujours selon l’État, une mutualisation accrue des services supports et une réduction des charges d’exploitation, au travers d’économies lors du renouvellement des marchés et en matière de masse salariale. Le recentrage des missions financées jusqu’alors par la TFCM justifie donc la baisse des dotations.
Pour le SNCA-CGT, en réduisant les missions de services publics des chambres de métiers, l’état les vide de leur substance et participe à leur asphyxie ! Cerise sur le gâteau : les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (NPEC) vont être réévalués à la baisse mettant ainsi le réseau un peu plus dans le rouge…
Ainsi, la baisse des ressources, en particulier liée à la réduction des recettes de la TFCM et la révision des NPEC par France Compétences, a fortement fragilisé le modèle économique des chambres de métiers et de l’artisanat.
Sans un réexamen des décisions financières, l’avenir du réseau et de ses agents est menacé…
Plan économique et impact social
Pour accompagner la volonté du ministère, les CMA se préparent à la mise en œuvre d’un projet ambitieux, dixit le président de CMA France, Joël Fourny : « CAP 2027 ». Celui-ci vise à transformer et moderniser le réseau des CMA. Les dirigeants des CMA, dans leur réponse à ces difficultés, semblent adopter des plans d’économies mettant en péril l’emploi et la qualité des services.
Au lieu de défendre bec et ongle leurs missions de services publics auprès du ministère de l’économie et des finances et de mobiliser tous les acteurs de l’artisanat afin de retrouver un niveau de financement étatique tenable, les présidents organisaient, au siège de CMA France le 3 octobre 2024, en grande pompe une conférence sociale réunissant les représentants du personnel siégeant en commissions paritaires locales et les organisations syndicales.
L’objectif était de :
1- Convaincre de la nécessité du plan de transformation du réseau « CAP 2027 », leur réponse au COP (contrat d’objectifs et performance) imposé par l’État. Ce plan transforme le modèle économique des chambres de métiers et vise à retrouver l’équilibre budgétaire d’ici 2027…
2- Organiser des groupes de travail avec les représentants du personnel (membres des CPL et organisations syndicales) dans l’optique d’une démarche dite participative. Ces groupes de travail s’articulaient autour de 4 thèmes principaux :
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Être agent au sein de la CMA et la marque employeur CMA ;
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Les compétences et les trajectoires professionnelles au sein du réseau des CMA ;
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La culture managériale dans les chambres du réseau des CMA ;
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La culture commerciale dans notre réseau d’établissements publics.
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Un Dialogue Social en Trompe-l’œil
Le SNCA-CGT n’est pas dupe, le projet CAP 2027, annoncé comme une nouvelle étape de transformation de la CMA, vise à restructurer profondément son organisation. Un changement de cap qui affiche l’ambition de rendre les CMA plus autonomes financièrement. Cela passera donc par l’abandon progressif mais rapide, de ses missions de services publics, véritable ADN historique des Chambres de métiers, et par la recherche de nouvelles ressources commerciales avec comme objectif, plus de productivité et de rentabilité.
Mais à quel prix ? Les incertitudes entourant le financement de l’institution et le sacrifice demandé aux agents risquent de fragiliser encore plus les CMA pourtant indispensables au secteur artisanal. Derrière les promesses de modernisation et d’efficacité, de nombreux agents redoutent de nouvelles mesures d’austérité, qui pèseront directement sur leurs conditions de travail. L’avenir semble donc incertain pour les agents, qui craignent d’être encore une fois les principales victimes des réformes financières, tandis que la question de la viabilité à plus ou moins long terme du réseau des CMA reste en suspens.
Malgré l’affichage d’une démarche participative, la réalité du dialogue social au sein des CMA est loin d’être à la hauteur des attentes. Le personnel, pourtant annoncé comme un des acteurs de cette transformation, apparaît souvent exclu des véritables prises de décisions. Cette perception est renforcée par le fait que les présidents semblent surtout préoccupés par l’image qu’ils renvoient aux ministères et aux autorités de tutelle. En interne, le discours est bien rodé : montrer que le dialogue social fonctionne est une priorité, peu importe si cela ne reflète pas la réalité.
Lors de cette conférence sociale le SNCA-CGT est intervenu pour dénoncer la situation et décrypter la réalité illusoire du dialogue social au sein des CMA. Pour la CGT, cette nouvelle vague de changements imposés par les présidents aggraverait ce que notre organisation observe déjà sur le terrain : une dégradation alarmante des conditions de travail, des suppressions de postes et une hausse vertigineuse des risques psychosociaux. Notre organisation n’a eu de cesse d’alerter sur les risques d’épuisement professionnel et le manque de reconnaissance, alors que les agents sont en première ligne pour soutenir les artisans et les petites entreprises.
Si des réformes s’avèrent nécessaires, elles devront être exercées de manière à ne pas sacrifier ceux qui en sont le cœur : ses agents et ses usagers.
Il est en effet inadmissible que les présidents des CMA accompagnent le désengagement de l’État vis-à-vis des artisans, au moment où leurs besoins (transition écologique, hausse des prix de l’énergie et des matières premières…) sont au plus haut.