CAP 2027 : Un plan de sauvetage ou de sabordage pour les CMA ?


Le projet CAP 2027 présenté comme la feuille de route de la modernisation des Chambres de Métiers et de l’Artisanat (CMA), est censé apporter une réponse aux défis actuels. Pourtant, une analyse approfondie révèle de nombreux paradoxes et contradictions, qui risquent non seulement de fragiliser le réseau des CMA, mais aussi d’abandonner les artisans eux-mêmes, trahissant leur mission première.

 

CAP 2027 : Une attaque camouflée contre les CMA ?

 

Présenté par CMA France, le plan CAP 2027 s’articule autour de sept chantiers majeurs :

En réalité, ce plan soi-disant ambitieux dissimule mal ses véritables intentions : rationaliser à outrance, faire des économies sur le dos des artisans et des agents, et tout cela sous couvert de modernisation. Les trois axes mis en avant – optimisation des dépenses, recherche de nouveaux revenus, amélioration de la gestion – masquent en réalité un processus de démantèlement systématique. Derrière les mots ronflants de la réforme, ce sont les fondations mêmes des CMA qui sont attaquées, sacrifiant la proximité, la qualité des services, et l’égalité des chances entre artisans.

 

Proximité sacrifiée, territoires abandonnés

 

Le premier scandale de CAP 2027 est l’hypocrisie flagrante autour de la notion de « proximité ». Comment prétendre renforcer le lien avec les territoires tout en supprimant des antennes locales ? Ce plan n’est rien d’autre qu’un abandon pur et simple des zones rurales, où l’accompagnement direct est pourtant indispensable pour les artisans. Il est inacceptable que l’on continue de parler de service de proximité alors qu’on démantèle systématiquement les structures locales. C’est un non-sens qui menace de détruire le rôle historique des CMA, au profit de calculs purement financiers.

 

La mutualisation : un prétexte pour éloigner les artisans des services publics

 

La mutualisation, promue comme un moyen d’optimisation, est en réalité un outil de centralisation excessive qui étouffera les CMA. Cette stratégie de concentration ne peut qu’éloigner les services des artisans, notamment ceux des territoires déjà marginalisés. Loin d’être une solution, cette soi-disant « mutualisation » est un piège qui aboutira à une standardisation des services, mal adaptée aux réalités locales. Les artisans de zones rurales ou périphériques paieront le prix fort, avec des services de moindre qualité et un éloignement des centres de décision. Encore une fois, CAP 2027 tourne le dos à la mission de service public des CMA.

 

Digitalisation à outrance : un mépris pour le savoir-faire artisanal

 

La digitalisation massive des services est l’un des autres axes trompeurs de CAP 2027. Il ne suffit pas de moderniser pour prétendre être en phase avec le monde d’aujourd’hui. La formation à distance, surtout dans des métiers qui reposent sur des gestes techniques et un savoir-faire manuel, est une aberration. Comment peut-on envisager d’apprendre un métier artisanal devant un écran ? Cette approche déshumanisante ne fera qu’accentuer les inégalités entre artisans, en excluant ceux qui ne maîtrisent pas les outils numériques. Encore une réforme pensée depuis des bureaux déconnectés des réalités du terrain.

 

Précarisation des agents des CMA : un sacrifice inacceptable

 

Nos dirigeants veulent « contenir la masse salariale et plus de flexibilité dans le statut ». Derrière l’optimisation des ressources humaines se cache un autre objectif : la précarisation des agents des CMA. Polyvalence imposée, suppressions de postes, surcharge de travail… Ce plan n’est rien d’autre qu’une attaque frontale contre les conditions de travail des employés, qui devront faire toujours plus avec moins. Et pour quel résultat ? Une baisse inévitable de la qualité des services offerts aux artisans. En poursuivant cette logique destructrice, les CMA risquent de perdre les compétences clés nécessaires à leur bon fonctionnement, au détriment des artisans qu’elles sont censées servir.

 

Les petits artisans : les grands oubliés de CAP 2027

 

Le plus grand paradoxe de CAP 2027 est sans doute la manière dont il prétend soutenir l’artisanat tout en marginalisant les plus fragiles. Les petits artisans, ceux qui n’ont pas les moyens de payer pour des services coûteux, sont laissés pour compte. Les présidents le disent eux-mêmes, il faut « aller vers les entreprises les plus à même de payer pour avoir des services de qualité ». Ce plan est conçu pour les plus solvables, ceux qui peuvent se permettre des prestations haut de gamme, reléguant les autres à la périphérie du système. Comment accepter qu’une institution dont la mission est de défendre l’ensemble du secteur artisanal en arrive à privilégier une minorité ? C’est une trahison pure et simple.

 

CAP 2027 : Vers une transformation des CMA en entités commerciales ?

 

En insistant sur la rentabilité, CAP 2027 trahit la mission historique des CMA. Les présidents veulent « aller vers une indépendance financière vis-à-vis de l’Etat ». Cette recherche d’autonomie au prix de l’abandon des subventions publiques est une orientation désastreuse qui risque de transformer les CMA en entreprises commerciales. Cette évolution est une menace directe pour le service public que doivent assurer ces institutions. En plaçant la rentabilité au centre de ses priorités, CAP 2027 tourne le dos à l’essence même des CMA : soutenir et accompagner les artisans, et non transformer les chambres en centres de profit.

 

Gouvernance illégitime : qui parle vraiment au nom des artisans ?

 

Enfin, il est essentiel de rappeler que cette réforme est menée par une poignée de dirigeants dont la légitimité est largement contestable. Avec à peine 5 % de participation aux élections professionnelles, comment peuvent-ils prétendre représenter l’ensemble des artisans ? Ce faible taux de participation est la preuve que les artisans eux-mêmes ne se reconnaissent pas dans ces décisions, prises par des élites déconnectées de la réalité du terrain.

 

Conclusion : CAP 2027, un plan de démolition déguisé

 

Au final, CAP 2027 est bien plus qu’un simple plan de modernisation. C’est un véritable plan de démolition des Chambres de Métiers et de l’Artisanat. Si cette réforme est menée à bien sans une révision en profondeur, elle portera atteinte à l’essence même des CMA, en sacrifiant les plus vulnérables et en tournant le dos à leurs valeurs fondatrices. Le SNCA CGT exige une révision immédiate et un retour à la raison : les CMA doivent rester au service de tous les artisans, et non des seuls intérêts financiers.



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